top of page

La sécurité du travail en hauteur : Quand la négligence coûte des vies...

  • Photo du rédacteur: Laurie Croteau
    Laurie Croteau
  • 30 avr.
  • 3 min de lecture

Le 1er novembre 2024, la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, a rendu une décision marquante dans l’affaire Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) c. AlumaSafway inc. Cette décision, qui découle d’un tragique effondrement d’échafaudage survenu en octobre 2021 dans une usine de Domtar inc., a mis en lumière de graves lacunes en matière de santé et sécurité au travail. Deux travailleurs ont perdu la vie, plusieurs autres ont été blessés — des événements qui auraient pu être évités avec une meilleure gestion des risques.


Les faits en bref


Lors d’un arrêt d'entretien planifié, un échafaudage technique de 39 mètres de haut, installé dans un lessiveur (un espace clos en forme de silo), s’est effondré. L’entreprise responsable de fournir et de monter la structure a été poursuivie pour avoir compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité et l’intégrité des travailleurs, en contravention à l'article 237 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST).


Le tribunal a conclu que l’employeur avait commis de nombreuses fautes graves dans la préparation, l’organisation et l’exécution des travaux.


Ce que le tribunal a reproché


  • Absence de méthodes de travail sécuritaires : L'entreprise n'avait pas mis en place des directives spécifiques pour le travail avec des échafaudages techniques, contrairement aux obligations prévues à l'article 51 (3) LSST.


  • Mauvaise gestion des risques : Il n'y avait pas de démarche suffisante pour identifier et contrôler les dangers liés au montage et à l’utilisation de l’échafaudage, en violation de l'article 51 (5) LSST.


  • Utilisation inadéquate de matériaux : Des composantes provenant de plusieurs fabricants, parfois incompatibles ou défectueuses, ont été utilisées sans vérification de compatibilité, contre les normes de l'industrie.


  • Non-respect du plan de conception : Le montage sur place ne correspondait pas au plan approuvé par l’ingénieur, avec des modifications non autorisées.


  • Accès prématuré aux travailleurs : Les travailleurs ont été autorisés à entrer dans l'échafaudage sans que l'attestation de conformité de l’ingénieur ait été obtenue.


  • Défaut d’étiquetage : Aucune indication n'était visible pour informer les utilisateurs sur l'état de l’échafaudage, en contravention avec la norme CSA Z797-18.


Pourquoi la défense de diligence raisonnable a échoué


Bien que l’entreprise disposait d’un programme de prévention, la preuve a révélé qu’il n’était ni adéquatement diffusé, ni appliqué de manière effective. Aucune preuve solide ne démontrait que les employés avaient reçu une formation spécifique sur les risques liés aux échafaudages techniques. Il y avait aussi une absence de supervision stricte et de mesures disciplinaires appliquées au moment des faits.


Le tribunal a rappelé que lorsqu’une entreprise exerce des activités comportant des risques élevés, comme le montage d’échafaudages en espace clos, les attentes en matière de diligence sont très élevées. L'employeur doit anticiper les erreurs, même humaines, et prendre des mesures concrètes pour prévenir les accidents.


Ce qu’il faut retenir pour les employeurs


Cette décision est un rappel sévère pour tous les employeurs qui évoluent dans des secteurs à haut risque, comme celui de l’échafaudage :


  • Programmes de prévention : Ils doivent être non seulement élaborés, mais aussi bien communiqués et compris par tous les travailleurs.


  • Formations spécifiques : Il ne suffit pas de donner une formation générale en santé et sécurité. Chaque tâche spécialisée, comme l’assemblage d’échafaudages techniques, exige une formation ciblée.


  • Contrôle rigoureux : La supervision constante et les inspections fréquentes sont indispensables pour assurer que les travailleurs appliquent les bonnes pratiques.


  • Respect des plans d'ingénierie : Toute modification à une structure d’échafaudage doit être approuvée par un ingénieur avant d’être mise en œuvre.


  • Vérification du matériel : Il est crucial d’utiliser uniquement des composantes compatibles, en bon état, provenant de sources vérifiées.


  • Étiquetage obligatoire : Chaque échafaudage doit être clairement identifié quant à son état et son niveau de sécurité avant d’être utilisé.


  • Responsabilité ultime : L’entreprise doit toujours se rappeler que la santé et la sécurité des travailleurs relèvent de sa responsabilité première, peu importe le niveau d’expérience de ses employés ou la présence d’un plan théorique.


Conclusion


La tragédie survenue dans le dossier AlumaSafway inc. aurait pu être évitée. Cette affaire envoie un message clair : le respect rigoureux des normes de sécurité n'est pas facultatif. En tant qu’employeur, il est impératif d'agir avec rigueur, prévoyance et autorité pour éviter des conséquences humaines et légales dramatiques.


 
 
bottom of page