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Une policière secouée par trois drames : le Tribunal tranche sur le stress post-traumatique

  • Photo du rédacteur: Laurie Croteau
    Laurie Croteau
  • 11 mai
  • 3 min de lecture

Avec l’entrée en vigueur des réformes apportées par la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, de nombreux employeurs se posent des questions sur leurs obligations lorsqu’un employé évoque des troubles psychologiques liés au travail.


Le cas examiné dans Lavigne et Ville de Châteauguay, une décision rendue en janvier 2025 par le Tribunal administratif du travail (TAT), clarifie un point fondamental : le stress post-traumatique n’est pas automatiquement présumé être une maladie professionnelle, même dans des contextes dramatiques, mais il peut tout de même constituer une lésion professionnelle s’il découle d’un ou de plusieurs événements traumatiques liés au travail.


Les faits en bref : trois événements marquants, dix ans de conséquences


La travailleuse, une policière œuvrant également comme agente sociocommunautaire et aux relations médias, a vécu trois incidents marquants au cours de sa carrière :


  • 2008 : intervention lors d’un suicide par pendaison;

  • 2015 : sauvetage d’un jeune homme coincé dans une voiture en feu;

  • 2019 : découverte d’un travailleur agricole décédé, la tête écrasée.


En juin 2022, elle reçoit un diagnostic de trouble de stress post-traumatique chronique et dépose une réclamation auprès de la CNESST. Sa demande est d’abord refusée, notamment au motif que les événements en question ne répondaient pas aux critères de la présomption de maladie professionnelle. Le TAT a toutefois accueilli sa contestation et reconnu qu’elle avait subi une lésion professionnelle psychologique.


Un rappel sur la présomption de maladie professionnelle


Depuis les réformes, certaines maladies mentales, comme le trouble de stress post-traumatique (TSPT), sont désormais incluses dans la liste réglementaire des maladies professionnelles. Mais pour bénéficier de la présomption légale, il faut satisfaire à des conditions très précises : ➡️ une exposition répétée ou extrême à une blessure grave, à la mort ou à une menace de mort non naturelle.


Dans cette affaire, bien que les événements vécus aient été profondément marquants, le Tribunal a statué que trois incidents sur dix ans ne suffisaient pas à établir une « exposition répétée ». Et bien que ces incidents aient été « troublants », la preuve n’était pas suffisante pour démontrer qu’ils étaient extrêmement traumatisants selon les critères objectifs du règlement.


Mais la lésion professionnelle, elle, a été reconnue


Ce que le Tribunal reconnaît toutefois, c’est que chacun des trois événements a été imprévu, soudain, et survenu dans le cadre du travail. En effet, l’analyse détaillée a révélé que :


  • La travailleuse n’avait pas reçu la formation pour faire face à une scène de suicide aussi marquante dès le début de sa carrière.

  • L’incident de l’auto en feu représentait un danger réel pour sa propre sécurité.

  • L’accident agricole impliquait une scène d’une violence exceptionnelle.


Le Tribunal conclut que le cumul de ces situations, leurs effets psychologiques durables et les symptômes cliniques du TSPT démontrent clairement l’existence d’un accident du travail au sens de la loi.


Ce que les employeurs doivent retenir


1. La présomption n’est pas automatique, mais la reconnaissance d’une lésion psychologique demeure possible


Un employeur pourrait croire, à tort, que l’absence de répétition ou d’extrême gravité empêche toute réclamation. Or, comme le montre cette décision, un événement unique ou peu fréquent peut suffire, si ses effets sont graves, inattendus et objectivement traumatisants.


2. L’environnement de travail compte — mais aussi la formation et le soutien offerts


Dans cette affaire, le fait que la policière ait été seule, mal préparée ou mal soutenue dans les moments critiques a joué un rôle dans la reconnaissance de la lésion. L’employeur aurait pu limiter les impacts en offrant une formation adaptée, un suivi psychologique proactif ou un encadrement plus rigoureux après chaque incident.


3. Documenter les incidents critiques est essentiel


Même si l’employeur ne s’est pas présenté à l’audience dans ce cas, il est crucial de comprendre que l’absence de preuve ou de suivi dans les dossiers internes peut miner toute défense. Tenir des registres précis, offrir des rapports d’intervention post-incident et solliciter l’avis de professionnels de la santé peuvent faire une grande différence.


Pourquoi consulter un professionnel en santé-sécurité ou relations du travail?


Les enjeux liés aux troubles psychologiques sont complexes, sensibles et juridiques. Un professionnel peut vous aider à :


  • Évaluer le risque que certaines situations ou fonctions soient propices à générer une détresse psychologique;

  • Mettre en place des protocoles d’intervention après des incidents potentiellement traumatisants;

  • Former les gestionnaires à reconnaître les signes de détresse psychologique;


Conclusion : éviter le réflexe de banalisation


L’affaire Lavigne et Ville de Châteauguay envoie un message clair : les troubles psychologiques, bien qu’invisibles, ont des racines réelles et reconnues juridiquement, même si la présomption réglementaire ne s’applique pas.


Les employeurs ont tout intérêt à prendre au sérieux les signaux de détresse, à agir rapidement et à s’entourer d’experts pour éviter non seulement des erreurs humaines, mais aussi des décisions judiciaires coûteuses.


 
 
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