Mensonge sur le décès d’un proche : Le congédiement est jugé justifié.
- Laurie Croteau
- il y a 22 heures
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Le Tribunal administratif du travail (TAT) a récemment confirmé le congédiement d’une directrice commerciale pour comportement malhonnête, rejetant ses deux plaintes déposées en vertu des articles 122 et 124 de la Loi sur les normes du travail (LNT). Cette décision soulève d’importantes réflexions sur la gravité des manquements à la probité dans un contexte professionnel, particulièrement lorsqu’un lien de confiance est en jeu.
Un stratagème soutenu pendant plusieurs mois
L’affaire St-Yves c. Norauto inc. (2025 QCTAT 958) met en scène une salariée occupant un poste stratégique dans un concessionnaire automobile. En septembre 2022, celle-ci informe son employeur que son père est décédé. Elle prend alors un congé pour des raisons de santé liées au deuil, bénéficiant de prestations d’assurance salaire. À son retour progressif au travail, elle continue de s’absenter fréquemment, prétextant des obligations liées à la succession.
La supercherie est toutefois dévoilée lorsque l’un des dirigeants apprend fortuitement que le père en question est bien vivant. Confrontée à cette information, la salariée fournit différentes versions contradictoires, mentionnant tour à tour son père adoptif, le conjoint de sa mère, puis une autre personne indéterminée.
Une présomption légale renversée
Quelques heures avant son congédiement, la salariée avait informé l’employeur — par message texte — de son intention de s’absenter pour six semaines en raison de sa médication. Bien que ce message ne soit pas accompagné d’un billet médical, le Tribunal a considéré qu’elle exerçait bel et bien un droit protégé en vertu de l’article 79.1 de la LNT, ce qui a activé la présomption prévue à l’article 123.4.
Cependant, cette présomption a été repoussée par l’employeur, qui a convaincu le Tribunal que le congédiement reposait sur un motif véritable : un comportement malhonnête, et non l’annonce de l’absence médicale. Les témoignages des représentants de l’entreprise, jugés crédibles et constants, ont fortement contribué à cette conclusion.
Un poste de confiance trahi
Dans son analyse de la plainte déposée en vertu de l’article 124 de la LNT, le Tribunal a rappelé que, bien que la progression des sanctions soit la norme en matière disciplinaire, il existe des exceptions lorsque la faute reprochée est d’une gravité telle qu’elle rompt irrémédiablement le lien de confiance.
C’était le cas ici. Le Tribunal a insisté sur le caractère prolongé du mensonge, les bénéfices indûment obtenus (prestations et absences justifiées par une fausse déclaration), ainsi que l’importance de la probité dans les fonctions occupées. En tant que directrice commerciale, la plaignante gérait des dossiers financiers sensibles, collaborait avec des institutions bancaires et représentait l’entreprise auprès de tiers. Le Tribunal a souligné que la confiance était un élément essentiel et non négociable de cette relation d’emploi.
Quelques enseignements pour les milieux de travail
Cette décision rappelle qu’un comportement malhonnête, surtout lorsqu’il est répété et élaboré, peut justifier un congédiement immédiat, même en l’absence d’antécédents disciplinaires. Elle illustre également que la protection offerte par les dispositions anti-représailles de la LNT n’est pas absolue : lorsque l’employeur peut prouver que le congédiement repose sur une cause sérieuse et véritable, il ne s’agit pas d’une pratique interdite.
Il importe toutefois de rappeler que chaque situation est unique. Avant d’imposer une sanction ou de mettre fin à un emploi, les employeurs doivent effectuer une évaluation rigoureuse des faits et du contexte. À l’inverse, les personnes salariées doivent être conscientes des conséquences juridiques possibles de tout comportement jugé déloyal.