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Harcèlement psychologique : des gestes vexatoires isolés ne suffisent pas.

  • Photo du rédacteur: Laurie Croteau
    Laurie Croteau
  • il y a 1 jour
  • 3 min de lecture
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Dans une décision étoffée rendue le 4 juillet 2025, le Tribunal administratif du travail rejette une plainte de harcèlement psychologique déposée par un coordonnateur des loisirs de la Ville de Côte-Saint-Luc. Bien que deux gestes aient été reconnus comme vexatoires, le Tribunal conclut que ceux-ci ne suffisent pas à établir un harcèlement au sens de l'article 81.18 de la Loi sur les normes du travail. Valiquette c. Ville de Côte-Saint-Luc, 2025 QCTAT 2726.


Un climat tendu, mais pas du harcèlement psychologique


Le plaignant, un coordonnateur responsable des installations et du service à la clientèle, alléguait que sa supérieure immédiate et la directrice des ressources humaines (DRH) avaient agi de façon abusive et malveillante à son égard, notamment par des reproches en public, son exclusion de décisions stratégiques, et le refus de reconnaître son invalidité psychologique. Il soutenait que cette conduite avait dégradé son environnement de travail.


Le Tribunal reconnaît que certaines situations ont pu être mal vécues par le plaignant, mais insiste sur l’importance de distinguer les perceptions subjectives de la preuve objective. Il rappelle que le harcèlement psychologique doit répondre à des critères légaux précis, notamment le caractère répétitif ou grave des gestes.

« En somme, les 2 conduites vexatoires retenues par le Tribunal étaient des événements isolés, ponctuels et dépourvus du caractère de répétitivité ou de gravité requis pour conclure à l’existence de harcèlement psychologique. »

Deux gestes reconnus comme vexatoires


Parmi les nombreuses allégations analysées, deux incidents ont été retenus comme constituant des conduites vexatoires :


  1. Une remarque publique de la DRH : Lors d’une réunion, la directrice des ressources humaines a reproché au plaignant, devant d'autres employés, le fait que certains salariés regardaient Netflix durant leurs quarts de travail.

« Cette intervention, en raison du ton employé et du fait qu’elle soit survenue devant d’autres personnes, revêtait un caractère humiliant et blessant – il s’agissait d’une conduite vexatoire. »
  1. L’annonce informelle d’un changement hiérarchique : Le plaignant a appris par un subalterne qu’un employé ne relevait plus de lui, en raison d’un nouvel organigramme mis en place sans préavis alors qu’il était en déplacement professionnel.

« La mise en œuvre de ce changement sans préavis ni discussion avec le plaignant [...] constituait un manque de considération à son égard — le Tribunal conclut qu’il s’agit d’une conduite vexatoire. »

Malgré cela, le Tribunal a jugé que ces incidents, bien que regrettables, ne démontraient pas une situation de harcèlement, faute de répétition et d’intention de nuire.


Les autres gestes relèvent du droit de direction


La majorité des reproches du plaignant ont été rejetés. Le Tribunal conclut qu’il s’agissait de mesures de gestion légitimes, prises dans le cadre du droit de direction. À titre d’exemples :


  • Le retrait temporaire de subalternes de sa supervision résultait d’une réorganisation administrative due à la fermeture d’un aréna.


  • La fermeté de la DRH dans l’application d’une entente syndicale était justifiée par les responsabilités de gestion.


  • Le refus d’une compensation pour surcharge de travail, tout comme l’évaluation annuelle décevante, ne constituaient pas des abus de pouvoir.


  • La convocation à une rencontre disciplinaire n’était pas malveillante, mais visait à rétablir un cadre de travail structuré.

« Le Tribunal voit dans les interventions de la directrice des préoccupations administratives liées à la saine gestion de son service. »
« Même si la DRH s’est montrée ferme, le tout s’est déroulé dans le respect et relevait des droits de la direction. »

Une destitution jugée injustifiée… mais sans réintégration


Dans une procédure parallèle, le plaignant contestait sa destitution. Celle-ci reposait notamment sur des allégations selon lesquelles il aurait eu un comportement s’apparentant à du harcèlement à l’endroit de subalternes. Le Tribunal a annulé la destitution, concluant qu’elle était précipitée et injustifiée, notamment en raison :


  • de l’absence de dossier disciplinaire antérieur ;

  • de la non-application du principe de la progression des sanctions ;

  • d'une enquête déficiente (absence de vérifications informatiques, témoignages non corroborés, etc.).

« Les maladresses ponctuelles et même les erreurs du plaignant ne suffisent pas à conclure à du harcèlement psychologique à l’endroit de 9 personnes. »
« La destitution ne respectait pas le principe de la progression des sanctions – elle était injustifiée, précipitée et déraisonnable. »

Cependant, le Tribunal refuse la réintégration du plaignant, estimant qu’une rupture irréversible du lien de confiance rendait ce retour irréaliste.


En conclusion


Ce jugement rappelle qu’en matière de harcèlement psychologique :


  • Il ne suffit pas d’alléguer des maladresses ou un style de gestion autoritaire pour faire reconnaître du harcèlement.

  • Les employeurs doivent s’assurer que leurs interventions, même fermes, respectent les principes de respect et de transparence.

  • Les décisions disciplinaires majeures, comme la destitution, doivent être rigoureusement justifiées et précédées d’un processus progressif.


 
 
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