Climat de travail : comment intervenir après une enquête sans écarter les règles ?
- Laurie Croteau
- 21 juin
- 3 min de lecture

Le climat de travail constitue un facteur déterminant dans le bon fonctionnement d’une organisation. Lorsqu’il se détériore, les conséquences peuvent être lourdes, tant pour la cohésion d’équipe que pour la productivité. Dans une décision récente (Énergir et Syndicat des employés et employées d'Énergir (CSN) (Victor Pena), 2025 QCTA 86) un arbitre a eu à se pencher sur la validité du congédiement d’un salarié à la suite d’une enquête sur le climat de travail, soulevant des questions importantes sur les obligations de l’employeur et l’usage d’outils tels que l’« entente de collaboration ».
Un contexte tendu et une enquête déclenchée
Dans cette affaire, l’employeur, une petite usine de liquéfaction de gaz naturel, décide de déclencher une enquête exhaustive à la suite de plaintes liées à des comportements jugés inappropriés de la part de plusieurs employés. L’enquête est menée par la haute direction et vise l’ensemble du personnel.
À la suite des entrevues, certains employés sont congédiés, un contremaître est déplacé, et plusieurs autres se voient proposer de signer une entente de collaboration, visant à encadrer leur comportement futur. Un salarié refuse de signer cette entente et est congédié, ce qui mènera à un grief syndical.
Une preuve solide… mais une démarche précipitée
Le Tribunal reconnaît que l’enquête a mis au jour des comportements problématiques : refus de collaboration, climat malsain dans la salle de contrôle, influence négative sur les collègues. Selon l’arbitre, « l’employeur a donc réussi à démontrer les faits à la base de ses reproches envers le plaignant » (§166).
Toutefois, l’arbitre rappelle un principe fondamental : la gradation des sanctions. Or, ici, « l’absence totale de suivi des comportements problématiques du plaignant pendant plusieurs années » est sévèrement critiquée (§167). L’employeur a imposé d’emblée une entente très contraignante, qualifiée par l’arbitre d’« entente de dernière chance », sans avoir au préalable formellement avisé le salarié de ses manquements.
Ce faisant, il a contrevenu à l’esprit de la convention collective, qui prévoit une progression dans les mesures disciplinaires, notamment par l’émission d’un avis formel avant tout congédiement (§169). Résultat : le congédiement est annulé.
Pas de réintégration, malgré l’annulation du congédiement
Habituellement, une telle annulation entraîne la réintégration du salarié. Mais ici, le Tribunal choisit de ne pas ordonner sa réintégration, en raison des circonstances exceptionnelles : « la réintégration du plaignant mettrait en péril le rétablissement du climat de travail » (§190).
L’arbitre souligne que depuis les mesures prises par l’employeur, la collaboration est revenue, et que réintégrer un salarié identifié comme l’un des responsables de la détérioration du climat pourrait compromettre cette amélioration. Le Tribunal ordonne plutôt aux parties de s’entendre sur une indemnité de fin d’emploi appropriée.
Ce qu’il faut retenir pour les employeurs
Cette décision illustre l’utilité d’une enquête de climat de travail, mais aussi les limites des actions qui peuvent en découler. Un employeur peut certainement utiliser les résultats d’une telle enquête pour améliorer les relations internes, notamment par la mise en place d’ententes comportementales. Toutefois, il doit aussi :
Respecter la gradation des sanctions : avertissements, suivi, accompagnement.
Informer clairement les employés des reproches et leur donner l’occasion de s’amender.
Documenter les démarches entreprises en ce sens.
Autrement, même les comportements problématiques peuvent ne pas suffire à justifier une sanction aussi lourde qu’un congédiement.
Conclusion : agir avec justesse, accompagné de la bonne expertise
Cette affaire démontre qu’un employeur peut, à juste titre, intervenir à la suite d’une enquête de climat, mais que cette intervention doit être encadrée par une compréhension fine des obligations contractuelles et juridiques. Imposer une mesure sévère, comme une entente de collaboration rigide ou un congédiement, sans avoir suivi une gradation claire, peut mener à l’annulation de la sanction, même si les comportements reprochés sont fondés.
Afin de poser les bons gestes, au bon moment, dans le respect des règles de droit et des principes d’équité, les employeurs ont tout avantage à se faire accompagner par un spécialiste en relations du travail. Son expertise peut faire toute la différence entre une gestion de crise réussie et une décision contestée devant les tribunaux.