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Quand le non-paiement du salaire devient un congédiement déguisé.

  • Photo du rédacteur: Laurie Croteau
    Laurie Croteau
  • il y a 42 minutes
  • 3 min de lecture

Le Tribunal administratif du travail (T.A.T.) a récemment rendu une décision lourde de sens pour les employeurs québécois dans l’affaire Massaad c. Sherpa Capital inc.. Cette cause met en lumière une problématique fondamentale mais parfois sous-estimée : le respect strict de l’obligation de verser un salaire à intervalles réguliers. L’affaire démontre qu’enfreindre cette obligation, même temporairement, peut mener à des conséquences juridiques sérieuses, incluant un congédiement déguisé.


Les faits en bref


Le plaignant, gestionnaire de projet pour une entreprise en services informatiques, a cessé de recevoir son salaire pendant plusieurs semaines. Bien que les parties aient convenu à l’avance d’un terme à leur relation d’emploi, l’employé a considéré le non-paiement prolongé comme une rupture injustifiée de son contrat. L’employeur a soutenu pour sa part qu’il s’agissait d’une démission déguisée.


Le Tribunal rejette cette prétention. Il conclut que le refus du salarié de continuer à travailler sans rémunération ne constitue pas une démission, mais plutôt une réaction légitime à une violation importante du contrat de travail par l’employeur.


Les principes juridiques en jeu


Cette décision repose sur des normes claires de la Loi sur les normes du travail (LNT), notamment l’article 43 qui exige que les salaires soient versés au moins à toutes les deux semaines. Il s’agit d’une disposition d’ordre public : aucun accord entre les parties ne peut y déroger.


Le Tribunal insiste sur le fait que le contrat de travail, bien qu’arrivé à terme, restait en vigueur jusqu’à la date convenue. L’obligation de payer le salarié durant cette période demeurait entière. Le manquement de l’employeur à cet égard constitue une modification substantielle des conditions de travail, équivalant à un congédiement déguisé.


L’intention de l’employeur, ses difficultés financières ou encore la loyauté attendue du salarié en raison de la pandémie n’ont pas été jugées pertinentes dans l’analyse. Le droit au salaire est une obligation continue et incontournable.


Les conséquences pour l’employeur


Le Tribunal a ordonné à l’employeur de verser plus de 9 000 $ au plaignant, incluant :

  • 7 307,68 $ pour la perte salariale équivalente à quatre semaines de travail ;

  • 438,46 $ au titre du congé annuel non payé (6 % du salaire brut) ;

  • 1 328,90 $ en intérêts.


Le salarié ne pouvait toutefois pas être réintégré dans son poste, car les deux parties avaient initialement convenu de mettre fin au contrat à une date précise. Le tribunal a aussi rejeté la demande d’indemnité de fin d’emploi, faute de preuve démontrant que l’entente était temporaire ou révisable.


Leçons clés pour les employeurs


  1. Le respect du calendrier de paie est non négociable. Peu importe les circonstances, les employeurs doivent verser le salaire à temps. Retarder ou suspendre les paiements expose l’employeur à des recours sérieux.


  2. Le contrat de travail est contraignant jusqu’à sa fin officielle. Une entente de fin d’emploi ne permet pas de modifier unilatéralement les conditions de travail, incluant la rémunération.


  3. Accepter un retard temporaire de salaire ne signifie pas renoncer à ses droits. Même si un salarié tolère un délai dans le paiement, cela ne prive pas celui-ci de ses recours, puisque l’obligation salariale se renouvelle périodiquement.


  4. Le congédiement déguisé est une réalité juridique bien reconnue. Lorsqu’un employeur modifie de façon substantielle les conditions d’emploi sans consentement, la loi considère qu’il a congédié l’employé, avec toutes les conséquences que cela entraîne.


Conclusion


Cette décision envoie un message clair aux employeurs : le respect des obligations salariales est au cœur de la relation d’emploi. En cas de non-paiement, un employé qui quitte son poste ne démissionne pas nécessairement – il peut en fait être considéré comme congédié. Mieux vaut prévenir en maintenant une gestion rigoureuse des obligations salariales que d’avoir à justifier une telle décision devant un tribunal.


 
 
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