En août 2024, le Tribunal administratif du travail (TAT) a rendu une décision importante concernant la sécurité des travailleuses enceintes au travail. Ce jugement souligne l’importance du programme "Pour une maternité sans danger" (PMSD), qui vise à protéger les femmes enceintes en les écartant de tâches dangereuses. Voici les grandes lignes de cette décision et les leçons à retenir pour les travailleuses enceintes et les employeurs.
Contexte de la décision
Une travailleuse employée comme préparatrice de commandes dans un entrepôt de vêtements a appris en octobre 2021 qu’elle était enceinte. Son poste exigeait de rester debout plusieurs heures et de manipuler des charges lourdes. Elle a remis à son employeur un certificat médical indiquant que ces tâches représentaient un risque pour elle et son bébé, et recommandant une réaffectation vers des tâches plus sécuritaires. Cependant, son employeur a refusé de modifier son poste ou de l’autoriser à cesser le travail, affirmant que son poste ne présentait pas de danger.
Quelques jours plus tard, la travailleuse a dû consulter en urgence en raison de saignements, une complication qui menaçait sa grossesse. Elle a alors demandé à bénéficier du PMSD, un programme géré par la CNESST (Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail), qui permet aux travailleuses enceintes de s’absenter temporairement de leur poste à risque tout en percevant une indemnité de revenu. Sa demande a été refusée par la CNESST, et cette décision a été confirmée en révision. La travailleuse a donc contesté devant le TAT.
Les questions abordées par le Tribunal
Le TAT devait répondre aux questions suivantes :
La travailleuse respectait-elle les critères d’admissibilité au programme PMSD dès la remise de son certificat médical ?
Son poste comportait-il réellement les dangers mentionnés dans le certificat médical ?
La travailleuse pouvait-elle continuer de bénéficier du PMSD même après son arrêt de travail dû à la menace de fausse couche ?
Les conclusions du Tribunal
Le Tribunal a donné raison à la travailleuse, confirmant qu’elle avait droit aux protections du PMSD dès la remise de son certificat médical à son employeur. Voici les principales conclusions du TAT :
Dangers réels au travail : Le Tribunal a jugé que le poste de préparatrice de commandes comportait effectivement les dangers décrits dans le certificat médical, incluant la manipulation de charges lourdes et le fait de rester debout pendant de longues périodes. Ces tâches posaient un risque significatif pour la grossesse, ce qui aurait dû pousser l’employeur à proposer des tâches sécuritaires ou à autoriser l’arrêt du travail.
Responsabilité de l’employeur : La Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) impose aux employeurs l'obligation de protéger la santé des travailleuses enceintes. Cela signifie que dès la réception d’un certificat médical attestant des risques au travail, l’employeur doit réagir rapidement en offrant un poste sécuritaire ou en permettant l’arrêt du travail. En refusant d’agir, l’employeur a contrevenu à ses obligations légales.
Maintien de l’admissibilité au PMSD : La travailleuse a été jugée admissible au PMSD même après son arrêt de travail, puisque ses complications de grossesse étaient directement liées aux conditions dangereuses de son emploi. Le Tribunal a expliqué que l'inaptitude au travail causée par des conditions de travail dangereuses ne devait pas priver la travailleuse de son droit à la sécurité financière, une protection que la LSST vise précisément à garantir.
Leçons pour les travailleuses enceintes et les employeurs
Pour les travailleuses enceintes :
Droits à la sécurité et à la protection financière : Si vous êtes enceinte et que vos conditions de travail comportent des dangers, vous pouvez demander un retrait préventif grâce au PMSD. Ce programme vous protège financièrement si votre emploi présente des risques pour vous ou pour votre bébé.
Importance du certificat médical : Remettre un certificat médical détaillant les dangers spécifiques de votre poste est essentiel pour enclencher votre protection. Ce document officiel aide à clarifier la nature des risques encourus et à justifier le besoin d’un poste sécuritaire ou d’un arrêt de travail.
Pour les employeurs :
Obligations légales de protection : Cette décision rappelle que la LSST oblige les employeurs à agir rapidement dès qu’une travailleuse enceinte fournit un certificat médical signalant des risques au travail. Le rôle de l’employeur est de prendre des mesures pour réaffecter la travailleuse à un poste sécuritaire ou, si cela n’est pas possible, de lui permettre de cesser de travailler pour éviter toute complication.
Assurer des conditions de travail sécuritaires : Ignorer les risques mentionnés dans le certificat médical peut mener à des complications graves pour la santé des travailleuses enceintes et à des conséquences légales pour l’entreprise. En répondant adéquatement à ces demandes, les employeurs contribuent non seulement à la sécurité des travailleuses, mais ils évitent aussi des litiges coûteux et des sanctions.
En conclusion
Cette décision montre l'importance du Programme Pour une maternité sans danger pour la protection des travailleuses enceintes et le devoir des employeurs de garantir un environnement de travail sécuritaire.
Pour les travailleuses, il est rassurant de savoir qu’elles peuvent compter sur des protections en cas de conditions de travail risquées. Pour les employeurs, il s’agit d’un rappel essentiel : la santé et la sécurité des employées enceintes ne sont pas seulement une responsabilité morale, mais une obligation légale à respecter.