Retour au travail après une longue absence - un salarié congédié suite à un refus répété de se soumettre à une expertise médicale.
- Laurie Croteau
- 15 juin
- 3 min de lecture

Dans la décision CISSS de la Montérégie-Est, 2025 QCTAT 877, rendue le 3 mars 2025, le Tribunal administratif du travail (TAT) a rejeté la plainte d’un salarié congédié à la suite de son refus répété de se soumettre à une expertise médicale. Ce jugement clarifie l'étendue des droits des employeurs en matière de gestion du retour au travail après une absence prolongée pour maladie, et illustre comment l’insubordination peut justifier une rupture du lien d’emploi.
Contexte de l’affaire
Un avocat au service juridique du CISSS de la Montérégie-Est est en arrêt de travail pour des raisons de santé psychologique pendant plus de 33 mois. Lorsque son médecin traitant déclare en juillet 2023 qu’il peut reprendre le travail sans restriction, l’employeur, conformément à ses pratiques administratives, exige une expertise médicale indépendante avant de valider le retour au travail.
Malgré plusieurs convocations, relances et explications, le salarié refuse de se conformer à cette exigence. L'employeur finit par mettre fin à son emploi le 8 novembre 2023. Le salarié conteste ce congédiement en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail (LNT), alléguant une absence de cause juste et suffisante, voire une discrimination fondée sur un handicap.
La décision du Tribunal
Le TAT conclut que le congédiement est fondé sur une cause juste et suffisante de nature disciplinaire : le refus délibéré de se soumettre à une expertise médicale. L’employeur avait des motifs raisonnables pour imposer cette exigence, et le salarié avait été clairement informé des conséquences de son refus.
Voici les éléments clés de la décision :
Droit de gestion légitime : Le Tribunal reconnaît le droit d’un employeur d’exiger une évaluation médicale indépendante avant de réintégrer un salarié après une longue absence, notamment pour s’assurer de l’aptitude au travail et de la nécessité d’accommodements.
Refus persistant du salarié : Le salarié a été informé à plusieurs reprises de la nécessité de se présenter à l’expertise et des conséquences d’un refus. Il a choisi de ne pas collaborer, tout en contestant la légalité de la demande.
Aucune discrimination démontrée : Le Tribunal rejette l’argument selon lequel la décision serait fondée sur un handicap. Il s’agissait d’une mesure administrative appliquée systématiquement à tous les employés dans une situation similaire.
Inapplicabilité du principe de gradation des sanctions : En raison du refus répété et de l’attitude irréversible du salarié, une démarche disciplinaire progressive n’était pas réaliste ni obligatoire.
Enjeux pour les employeurs
Encadrement rigoureux du retour au travail : Cette décision confirme qu’un employeur peut conditionner le retour d’un salarié à une expertise médicale lorsque des doutes raisonnables subsistent quant à sa capacité fonctionnelle, particulièrement après une absence prolongée.
Communication et documentation : Le CISSS a bien documenté les démarches, les convocations, les échanges et les avertissements, ce qui a été déterminant dans la reconnaissance de la légitimité du congédiement.
Exercice prudent du pouvoir disciplinaire : Même si l’on sort du cadre d’une faute grave, un refus persistant de collaborer à un processus essentiel peut justifier une sanction aussi lourde qu’un congédiement, en l’absence d’ouverture à la collaboration.
Conclusion
Ce jugement réaffirme que les employeurs ont un rôle actif à jouer dans la gestion de la santé et sécurité au travail. Ils peuvent, dans certaines circonstances, refuser un retour immédiat et exiger une évaluation médicale indépendante.