Dans l'affaire Corriveau c. Croisières AML inc., 2024 QCTAT 2320, le Tribunal administratif du travail (TAT) a rendu une décision clé concernant le comportement répréhensible d'une préposée de nuit sur un navire touristique, marquant l'importance pour les employeurs de ne pas tolérer les actes d'incivilité et d'insubordination. Cette décision met en lumière les défis que peuvent rencontrer les employeurs face à un salarié dont le comportement nuit au climat de travail, et souligne la légitimité du congédiement en cas de manquements graves et répétés.
Résumé de la décision
Une préposée de nuit travaillait pour Croisières AML inc. Depuis 2021, elle avait accumulé plusieurs infractions disciplinaires, dont l'insubordination, l'incivilité, et des abus de langage. Malgré des avertissements répétés et des sanctions disciplinaires progressives, son comportement n’a pas changé, poussant l’employeur à mettre fin à son emploi en mars 2023.
L'employée a contesté cette décision, affirmant que son congédiement n'était pas justifié et demandant sa réintégration.
Toutefois, le Tribunal a rejeté la plainte de la salariée. Il a jugé que l'employeur avait clairement démontré, par une prépondérance de preuves, que la plaignante avait agi de manière répréhensible à de multiples reprises. De plus, le Tribunal a conclu que le congédiement était une sanction appropriée, étant donné que la discipline progressive appliquée par l'employeur n'avait pas permis de corriger son comportement.
Analyse de la décision
1. La progression des sanctions disciplinaires
L'employeur a suivi une démarche exemplaire du principe de la progression des sanctions en commençant par des avertissements verbaux, suivis de plusieurs sanctions écrites, et enfin une suspension. Ce processus vise à offrir au salarié l'opportunité de s'amender. Dans ce cas, chaque mesure disciplinaire a été accompagnée d'un avertissement clair sur les conséquences d’une récidive, en particulier l’éventualité d’un congédiement.
Malgré cela, l'employée a continué à adopter des comportements inacceptables. Comme l'a noté le Tribunal, elle n'a jamais cessé ses écarts de langage et a même défié directement l'autorité de ses supérieurs. Ce refus de se conformer aux règles de l'entreprise justifie pleinement, selon le Tribunal, la décision de l'employeur de procéder à un congédiement.
2. Un comportement incorrigible
Le Tribunal a insisté sur le caractère "incorrigible" du comportement de l'employée, soulignant que ses actions étaient profondément enracinées dans sa manière de travailler et de traiter ses collègues. À plusieurs reprises, elle a ignoré les avertissements et continué à défier l’autorité de la direction. Elle a également tenté de contourner le service des ressources humaines en s'adressant directement au propriétaire de l'entreprise, un geste qui témoigne d'un mépris pour les procédures internes et l’autorité hiérarchique.
Dans ce contexte, le Tribunal a affirmé que lorsque de tels comportements sont profondément ancrés, ils ne peuvent être tolérés par un employeur. Le maintien de tels agissements aurait un effet délétère sur l’environnement de travail, mettant à mal la cohésion et l'efficacité des équipes.
3. L'obligation de l'employeur de maintenir un environnement de travail sain
Cette décision rappelle que l’employeur a la responsabilité de maintenir un environnement de travail respectueux et ordonné. Il ne peut, ni ne doit, tolérer des comportements qui nuisent à la productivité ou au bien-être des autres employés. Dans ce cas, l'incivilité et les abus de langage de l'employée ont été une source de tension pour les autres membres de l’équipe, justifiant ainsi l’intervention de l’employeur.
Le Tribunal a clairement établi que l'employeur avait agi de manière appropriée en imposant des sanctions progressives, et que la décision de congédiement était justifiée étant donné l’échec des mesures précédentes pour corriger le comportement de l'employée.
Enseignements pour les employeurs
Cette affaire offre des leçons importantes pour les employeurs quant à la gestion des comportements problématiques en milieu de travail :
L'importance de la gradation des sanctions : Ce principe est crucial pour permettre au salarié de s’amender. Cependant, lorsque cette progression ne produit aucun effet, le congédiement peut être une solution ultime légitime et nécessaire.
Documenter les infractions et les avertissements : Comme l'a démontré l'employeur dans cette affaire, il est essentiel de documenter toutes les infractions et les mesures disciplinaires prises pour se protéger en cas de contestation.
Ne pas tolérer les comportements répréhensibles : Les comportements inappropriés, tels que l'incivilité et l'insubordination, ne doivent jamais être tolérés à long terme. Ils peuvent miner l’autorité de l’employeur et créer un environnement de travail toxique.
Faire preuve d'équité et de transparence : L’employeur doit toujours faire preuve de transparence dans l’application des sanctions disciplinaires et donner au salarié une chance de s’expliquer, tout en mettant clairement en évidence les attentes et les conséquences d’un comportement inapproprié.
En conclusion, cette décision souligne qu’un employeur a le droit, voire le devoir, de prendre des mesures fermes pour mettre fin à des comportements nuisibles, dans l’intérêt de l'ensemble des employés et de la productivité de l’entreprise.
Le comportement incorrigible de l'employée justifiait pleinement la décision de congédiement, et cette affaire constitue un exemple important pour les employeurs en matière de gestion disciplinaire.
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