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Photo du rédacteurLaurie Croteau

Pourquoi les employeurs doivent considérer l'accommodement raisonnable avec sérieux : Leçon tirée d'une décision récente (juin 2024)

La récente décision du Tribunal d’arbitrage, rendue le 20 juin 2024, dans l'affaire Association internationale des machinistes et travailleurs de l'aérospatiale, district 140 et Air Canada (Michael Palmer), a souligné un problème important auquel les employeurs doivent prêter attention : l'application de normes générales d'exclusion de travailleurs présentant des limitations fonctionnelles peut entraîner des situations de discrimination. Ce jugement illustre l'importance cruciale de l’obligation d'accommodement et d'une évaluation individualisée en matière de santé et sécurité, même dans des circonstances aussi exceptionnelles qu’une pandémie.


Le cas en question


Le grief déposé par le syndicat concernait la mise à pied d’un employé, mécanicien chez Air Canada, qui prenait des médicaments causant des effets secondaires, notamment la somnolence, en raison d’un accident du travail. Pendant la pandémie de COVID-19, Air Canada a écarté l’ensemble des employés ayant des restrictions fonctionnelles, y compris cet employé, sous prétexte que ces restrictions posaient un risque pour la sécurité dans le contexte d’opérations aériennes réduites. L’employeur a justifié cette décision en s’appuyant sur une clause de mise à pied technique, sans mener une analyse individualisée des cas spécifiques.


Le tribunal a jugé que cette approche générale était discriminatoire et allait à l'encontre de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La décision a reconnu que l’employeur n’avait pas pris en compte la capacité réelle de l'employé d’accomplir son travail malgré ses limitations. En agissant de manière systématique, l’employeur a privé l’employé de son droit à un traitement équitable, sans discrimination fondée sur son handicap.


Leçons pour les employeurs


Cette décision met en lumière plusieurs points essentiels pour les entreprises afin de prévenir des situations similaires :


  1. Évaluation individualisée des employés : Lorsqu’un employé présente des limitations fonctionnelles ou prend des médicaments susceptibles d'influencer sa performance, il est impératif d’évaluer chaque cas individuellement. Plutôt que d’appliquer des normes générales, l’employeur doit analyser si l'employé peut remplir ses fonctions avec ou sans accommodement. Une évaluation de la santé et de la sécurité au travail ne doit pas se baser sur des présomptions mais sur des faits concrets et objectifs.


  2. Accommodement raisonnable : L’employeur est tenu d’explorer toutes les options d’accommodement raisonnable avant de conclure qu’un employé ne peut pas continuer à travailler. Dans le cas de cet employé, il avait été précédemment accommodé en travaillant dans un hangar, ce qui démontre qu’il était possible de lui assigner des tâches sécuritaires sans devoir le retirer du travail. La contrainte excessive, selon la loi, ne peut être présumée ; elle doit être démontrée de manière objective.


  3. Transparence et communication : Il est important que les employeurs communiquent clairement avec leurs employés et leurs représentants syndicaux lors de décisions concernant la santé et la sécurité. Toute mesure prise doit être expliquée et justifiée de manière transparente. L'absence de réponse aux demandes de l'employé a aggravé la situation et a contribué à l'issue défavorable pour l'employeur.


  4. Le rôle des politiques en situation de crise : Même en situation de crise, comme la pandémie de COVID-19, les droits des employés ne doivent pas être écartés. Le recours à des mesures exceptionnelles telles que les mises à pied techniques doit respecter les droits fondamentaux protégés par la législation sur les droits de la personne. Les employeurs doivent donc veiller à ce que leurs politiques de gestion des crises soient conformes aux lois sur les droits de la personne.


Conseils pratiques pour prévenir les litiges futurs


Afin de prévenir des conflits similaires, voici quelques recommandations concrètes pour les employeurs :


  • Former les gestionnaires sur l'obligation d'accommodement : Offrir des formations régulières aux gestionnaires pour leur rappeler l’importance de l’obligation d’accommodement et leur donner des outils pratiques pour évaluer les limitations fonctionnelles des employés.


  • Établir des processus d’évaluation médicale clairs et objectifs : Collaborer avec des experts médicaux pour évaluer les besoins spécifiques des employés en matière de santé et sécurité, plutôt que de se baser sur des suppositions.


  • Documenter les décisions : Conserver des preuves claires et précises des démarches entreprises pour accommoder les employés et des évaluations médicales menées afin de justifier toute mesure prise.


  • Mettre en place une politique d'accommodement flexible : S'assurer que les politiques d'accommodement tiennent compte de la diversité des handicaps et des limitations fonctionnelles, et qu'elles permettent une certaine souplesse dans leur application.


Conclusion


La décision du Tribunal d’arbitrage dans l’affaire Air Canada souligne l’importance pour les employeurs de respecter scrupuleusement les droits de leurs employés, particulièrement en matière de discrimination liée au handicap. En période de crise, il peut être tentant d’appliquer des règles simplifiées, mais ces règles doivent toujours être en adéquation avec les lois sur les droits de la personne. Une approche nuancée et individualisée, combinée à un effort d’accommodement raisonnable, permet d’éviter des litiges coûteux et d'assurer un environnement de travail inclusif et juste.


Pour toute question sur l'accommodement ou les droits des employés, il est conseillé de consulter un professionnel.








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