Lorsqu’un employé ne tient pas compte d'un avertissement final, après avoir aspergé un client...
- Laurie Croteau
- 18 juin
- 3 min de lecture

Dans un jugement rendu en mars 2025, le Tribunal d’arbitrage a confirmé le congédiement d’un salarié de longue date de la SAQ, malgré le fait que les fautes les plus récentes commises étaient de moindre gravité que celles qui avaient précédemment donné lieu à un avertissement final. Cette décision (2025 QCTA 80) offre un éclairage utile sur l’application du principe de discipline progressive, les critères de la faute grave et les conditions dans lesquelles un employeur peut mettre fin à l’emploi d’un salarié malgré des circonstances atténuantes.
Résumé des faits
Un salarié œuvrant dans le secteur de la vente au détail a d’abord été sanctionné pour un comportement jugé grave : il a quitté son poste pour suivre un client à l’extérieur du magasin et l’a aspergé d’un produit désinfectant, dans un contexte lié à l’application des mesures sanitaires. L’employeur a alors imposé un avis final tenant lieu de suspension, soit l’étape précédant le congédiement dans la gradation des sanctions.
Quelques semaines plus tard, à la suite de son retour au travail après une période d’invalidité, le salarié a tenu des propos à connotation sexuelle sur des clientes, mimé des gestes jugés inappropriés devant des collègues, et exprimé des commentaires déplacés qui ont suscité plusieurs plaintes internes. Ces événements ont conduit l’employeur à procéder à son congédiement.
Analyse du Tribunal
1. L’avis final était justifié
Le Tribunal a jugé que le comportement du salarié lors de l’altercation avec un client — bien qu’isolé — constituait une faute grave. Il violait les politiques internes en matière de prévention de la violence et de civilité, et avait eu un impact réel sur le climat de travail. L’employeur était donc autorisé à émettre un avis final sans avoir à suivre chaque étape de la discipline progressive.
2. Le congédiement l’était aussi, malgré la gravité moindre des fautes suivantes
Bien que les gestes ayant mené au congédiement étaient moins graves individuellement, leur survenue rapide après l’avis final, leur nature répétée, ainsi que l’absence de remords sincères, ont convaincu le Tribunal que le lien de confiance était irrémédiablement rompu. Le climat de travail avait été de nouveau affecté, et le salarié ne démontrait pas une volonté de corriger son comportement.
Principaux enseignements pour les employeurs
1. L’importance d’un avis final clair et motivé
Un avis final bien rédigé, qui expose les attentes de l’employeur et les conséquences d’une récidive, peut jouer un rôle déterminant dans l’évaluation de la mesure disciplinaire subséquente. Dans cette affaire, l’avertissement mentionnait explicitement qu’un autre écart de conduite pourrait mener au congédiement.
2. La récidive rapide est un facteur aggravant important
Même si une faute subséquente est moins grave, le fait qu’elle survienne peu de temps après un dernier avertissement et qu’elle reflète un comportement déjà sanctionné renforce la légitimité d’une mesure plus sévère. Le Tribunal a reconnu que l’employeur n’était pas tenu d’attendre d’autres manquements pour agir.
3. Le lien de confiance peut être rompu sans comportement extrême
Il n’est pas toujours nécessaire qu’une faute soit grave au point de justifier un congédiement à elle seule. Si un salarié ne respecte pas les avertissements précédents, cela peut suffire à démontrer une incapacité à se conformer aux attentes.
4. Le contexte peut atténuer — ou aggraver — la sanction
Le Tribunal a évalué les éléments contextuels (stress lié à la pandémie, retour d’un congé d’invalidité, ancienneté), mais a conclu qu’ils ne contrebalançaient pas les comportements fautifs. L’absence de remords, les contradictions dans le témoignage du salarié, et l’effet sur l’équipe ont pesé plus lourd dans l’analyse.
Considérations pratiques pour la gestion disciplinaire
Documenter rigoureusement les incidents et les plaintes reçues.
Appliquer les politiques de manière cohérente pour éviter toute allégation de traitement arbitraire.
Consigner clairement les attentes dans chaque mesure disciplinaire, surtout lorsqu’un avis final est émis.
Offrir au salarié l’occasion de s’expliquer et de corriger son comportement — et tenir compte de sa réponse.
Évaluer l’impact sur le climat de travail, car cela est souvent déterminant pour le tribunal.
Conclusion
La décision 2025 QCTA 80 confirme qu’un congédiement peut être jugé raisonnable même lorsque les fautes les plus récentes sont moins graves que celles antérieures, si elles surviennent après un dernier avertissement clair.
Pour les employeurs, cette décision rappelle l'importance d’un processus disciplinaire structuré, transparent et bien documenté. La récidive, l’absence de remords, et l’effet sur l’environnement de travail sont des éléments centraux qui peuvent justifier la fin du lien d’emploi.