Au Québec, la langue française bénéficie d’une protection légale renforcée, notamment en matière de travail. Récemment, une décision du Tribunal administratif du travail (TAT) Kim c. Ultium Cam, 2024 QCTAT a mis en lumière les obligations des employeurs lorsqu’ils imposent des exigences linguistiques dans leurs offres d’emploi. Cette décision est un rappel important pour toutes les entreprises opérant dans la province.
Les faits en bref
Un candidat a déposé une plainte affirmant qu’une entreprise lui avait refusé un poste en raison de son incapacité à répondre à une exigence linguistique, à savoir la maîtrise de l’anglais et du coréen. Selon le plaignant, cette exigence était contraire à la Charte de la langue française (CLF), qui protège le droit de travailler en français.
L’entreprise, pour sa part, a soutenu que cette exigence était nécessaire pour accomplir les tâches liées au poste et que son refus d’embauche était basé sur un manque d’expérience du candidat.
La décision du Tribunal
Le Tribunal administratif du travail a donné raison au plaignant et a établi que l’entreprise avait contrevenu à la Charte de la langue française. Voici les principaux points de la décision :
Une présomption de pratique interdite
La CLF interdit d’exiger la connaissance d’une langue autre que le français pour un poste, sauf si cela est démontré comme absolument nécessaire pour accomplir les tâches.
Le Tribunal a conclu que l’entreprise n’avait pas respecté cette règle, car elle n’a pas justifié adéquatement la nécessité des langues anglaise et coréenne.
Un fardeau de preuve non respecté
L’entreprise devait prouver qu’elle avait évalué les besoins linguistiques réels, vérifié si les compétences linguistiques de ses employés actuels étaient insuffisantes et limité ces exigences au strict minimum.
En l’absence de preuves solides, le Tribunal a jugé que l’exigence était injustifiée.
Un processus irrémédiablement vicié
Même si l’entreprise avançait que le refus d’embauche était dû à un manque d’expérience, cette justification n’exonérait pas l’imposition illégale d’exigences linguistiques.
Conséquences pour les employeurs
Cette décision rappelle aux entreprises que toute exigence linguistique doit être justifiée de manière rigoureuse et documentée. Voici quelques points essentiels à retenir :
Analyse préalable des besoins linguistiques : Avant d’inclure une exigence linguistique dans une offre d’emploi, les employeurs doivent démontrer que la tâche ne peut être accomplie sans cette compétence et qu’ils ont exploré d’autres solutions.
Mention explicite dans l’offre d’emploi. Si une langue autre que le français est requise, les motifs doivent être clairement énoncés dans l’annonce, conformément aux dispositions de la CLF.
Documentation et preuve des efforts raisonnables Les entreprises doivent conserver des preuves de leurs démarches pour éviter d’imposer une telle exigence (réorganisation interne, recours à des services de traduction, etc.).
Pourquoi cette décision est importante
Le préambule de la Charte de la langue française affirme que le français est la langue normale et habituelle du travail au Québec. Cette décision met en lumière l’importance d’interpréter la CLF de manière stricte et de respecter les droits linguistiques des travailleurs.
Les employeurs qui ne se conforment pas à ces obligations risquent des litiges coûteux et des répercussions légales significatives.
En conclusion : Évitez les pièges
Cette décision sert de rappel pour toutes les entreprises au Québec. Les exigences linguistiques doivent être non seulement pertinentes, mais aussi conformes aux règles strictes établies par la CLF. Une révision proactive des politiques d’embauche et des offres d’emploi est essentielle pour éviter les violations de la loi.