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L'encadrement de la performance n'est pas du harcèlement psychologique.

Dernière mise à jour : 5 avr.

Est-ce que mettre un employé sous pression pour améliorer ses performances peut être considéré comme du harcèlement psychologique ou un congédiement déguisé? C’est exactement la question à laquelle a répondu le Tribunal administratif du travail (TAT) dans une décision rendue en novembre 2024.


Dans la décision Lavigueur c. Bombardier inc. / Bombardier Aéronautique – Centre de formation, rendue le 25 novembre 2024 (2024 QCTAT 4228), le (TAT) se penche sur les limites entre l’exercice légitime du droit de gestion d’un employeur et les notions de harcèlement psychologique et de congédiement déguisé prévues à la Loi sur les normes du travail.


Les faits

Le plaignant, instructeur et examinateur dans le domaine de l’aéronautique, alléguait avoir été victime :


  • de harcèlement psychologique (art. 123.6 LNT),

  • d’un congédiement déguisé (art. 124 LNT), à la suite d’une rétrogradation, d’une réduction salariale et de l’imposition d’un plan d’amélioration de la performance.


Il reprochait à ses gestionnaires des interventions qu’il jugeait abusives, notamment des reproches injustifiés, un ton déplacé, et des mesures disciplinaires déguisées en décisions administratives.


L’analyse du Tribunal

Le Tribunal rejette les deux plaintes. L’analyse repose sur deux critères centraux : la conduite de l’employeur dans son ensemble et la perception qu’en aurait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances.


1. Harcèlement psychologique : absence de conduite vexatoire


L’ensemble des mesures mises en place par l’employeur découle de manquements réels et documentés. L’attitude des gestionnaires a été jugée mesurée, progressive et orientée vers la correction des écarts. Le Tribunal souligne que l’encadrement, même rigoureux, ne devient pas harcèlement dès lors qu’il est exercé de manière professionnelle et fondée.


Les rencontres tenues avec le plaignant, l’avis officiel transmis, et l’imposition du plan d’amélioration s’inscrivent dans un processus d’encadrement conforme aux droits de gestion. Aucune conduite ne permet de conclure à un comportement vexatoire ou abusif.


2. Congédiement déguisé : mesures temporaires et justifiées


Le Tribunal conclut également à l’absence de congédiement déguisé. La réduction salariale et la rétrogradation découlent directement de l’application du plan d’amélioration de la performance, lequel visait une remise à niveau temporaire. Le plaignant avait d’ailleurs déjà complété un plan similaire dans le passé, avec succès.


Selon le TAT, une personne raisonnable n’aurait pas interprété ces mesures comme une modification substantielle des conditions essentielles de l’emploi, mais bien comme un correctif temporaire, proportionné au contexte.


Enjeux pratiques

Cette décision rappelle plusieurs principes essentiels :


  • L’exercice légitime du droit de gestion, lorsqu’il est exercé de manière proportionnée, ne constitue pas du harcèlement.

  • Le contexte réglementaire (ici, l’aéronautique) et les obligations de sécurité peuvent justifier une rigueur accrue dans l’encadrement du personnel.

  • La perception subjective du salarié ne suffit pas à établir un préjudice : c’est l’analyse objective de la situation qui prévaut.


Conclusion


Le Tribunal administratif du travail réaffirme ici l’équilibre entre la protection des travailleurs et la nécessité, pour les employeurs, de maintenir un encadrement rigoureux, surtout dans des secteurs critiques. Les gestionnaires peuvent ainsi exercer leur rôle, dans les limites du raisonnable, sans craindre que toute intervention soit automatiquement perçue comme du harcèlement ou un congédiement déguisé.


 
 
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