Récemment, lors d’une activité de réseautage organisée par une entreprise en technologies de l’information (TI), le sujet de l’intelligence artificielle (IA) a pris une place centrale. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été impressionnée par les innovations qui promettent d’optimiser les opérations des entreprises. Cependant, une question m’a laissée songeuse : comment, et surtout quand, l’IA sera-t-elle capable de traiter des situations humaines complexes en gestion?
Des situations comme des congédiements, des conflits interpersonnels ou encore des négociations complexes, exigent plus que de simples données. Elles nécessitent souvent ce que nous appelons « l’instinct », un certain feeling que les gestionnaires humains développent au fil des ans. Dans ce contexte, peut-on imaginer une IA capable d’affirmer : « J’ai un feeling qui me pousse à agir de telle ou telle manière »? Et surtout, sera-t-elle en mesure de prendre part à des situations hautement critiques, comme une négociation en situation de crise, voire une prise d’otages?
L’IA et la gestion des situations humaines : où en sommes-nous?
Aujourd'hui, les capacités de l'IA dans la gestion des entreprises sont déjà bien avancées. Les outils d’intelligence artificielle sont capables d’analyser d'énormes quantités de données, de repérer des modèles et de proposer des solutions d’optimisation dans des domaines variés, allant de la planification de ressources humaines à la gestion de la paie. Toutefois, lorsqu'il s'agit de gérer des situations émotionnellement complexes, comme un licenciement ou un conflit entre collègues, les solutions actuelles restent largement perfectibles.
La gestion de ces situations ne repose pas seulement sur des critères rationnels ou sur l’analyse des performances passées. Parfois, l’intuition, ou ce qu’on pourrait appeler la capacité à ressentir les émotions et les dynamiques non-verbales, est essentielle. L’IA, qui se base sur des algorithmes et des données, n’a pas encore accès à cette dimension subjective du jugement humain.
L'intuition, une faculté humaine unique ?
L'intuition, ce sentiment intérieur qui guide les gestionnaires dans des situations ambiguës, est encore un domaine où l’IA semble avoir des limites. Les neurosciences ont prouvé que l’intuition découle de l'expérience accumulée et des observations subconscientes que notre cerveau analyse sans que nous en ayons pleinement conscience. C’est cet « instinct » qui permet de saisir les nuances d'une conversation, de sentir une tension sous-jacente ou de choisir un moment propice pour aborder un sujet sensible.
L’intelligence artificielle, quant à elle, repose sur des calculs basés sur des données. Même avec des algorithmes de machine learning sophistiqués, qui peuvent apprendre des comportements humains, il reste difficile pour l’IA de simuler cette réactivité émotionnelle et intuitive.
IA et négociations complexes : jusqu’où peut-elle intervenir?
Sortons des relations du travail et prenons le cas d'une négociation urgente et dangereuse, comme une prise d'otage. Dans ce genre de situation, chaque mot, chaque geste peut avoir des conséquences dramatiques. Ici, la question n'est pas uniquement de savoir si l'IA peut proposer des solutions, mais si elle peut ressentir la pression psychologique et émotionnelle du moment.
L'IA pourrait, par exemple, analyser des millions de cas similaires, modéliser des scénarios et même proposer des stratégies. Mais, peut-elle ressentir la peur, la tension palpable dans la salle, ou la frustration d'une partie? Actuellement, ce sont ces éléments qui rendent une négociation humaine délicate et difficile à automatiser.
Les spécialistes en gestion de crises comme les négociateurs professionnels, s'appuient certes sur des faits, mais aussi sur une lecture émotionnelle de la situation : la dilatation des pupilles d’un interlocuteur, l’hésitation dans sa voix, ou même un changement dans la posture. Ce sont autant d’indices que l’IA ne peut pas encore interpréter avec précision.
Vers une collaboration IA-humain dans la gestion?
Cependant, cela ne signifie pas que l’IA n’aura jamais sa place dans la gestion de crises humaines. Au contraire, il est probable qu’à l'avenir, nous verrons une collaboration IA-humain se développer. L’IA pourrait devenir un outil de soutien précieux, capable de proposer des options basées sur des données et des prédictions probabilistes, tandis que l’humain conserverait le dernier mot en matière de décision intuitive et émotionnelle.
Dans une situation de gestion de crise, par exemple, l’IA pourrait analyser des scénarios passés, identifier des erreurs potentielles ou prévoir l'impact de certaines décisions. Mais ce sera à l’humain de décider quand et comment utiliser ces informations, en tenant compte des variables émotionnelles et des dynamiques sociales que seule une intelligence humaine peut véritablement appréhender.
Conclusion
En conclusion, bien que l’intelligence artificielle puisse déjà apporter une valeur inestimable en matière de gestion des entreprises, notamment par sa capacité à traiter des données et à offrir des solutions rationnelles, elle reste encore loin de pouvoir remplacer les qualités humaines d’intuition et d’empathie, nécessaires à la gestion de situations émotionnellement complexes. Si l’IA peut sans aucun doute aider à éclairer nos décisions, il est fort probable que, pour l’instant, ce sera toujours l’humain qui devra assumer la responsabilité des choix difficiles dans les moments critiques.
Ainsi, l'IA pourra-t-elle un jour dire : « J'ai un feeling »? Peut-être pas dans l'immédiat, mais sa capacité à analyser et à conseiller continuera de s'améliorer, et il sera intéressant de voir comment les gestionnaires apprendront à intégrer cette technologie tout en préservant ce qui fait leur force : l'humanité.