Harcèlement psychologique et sexuel, climat toxique et démission forcée : un employé obtient gain de cause.
- Laurie Croteau
- 13 avr.
- 3 min de lecture

Dans l’affaire Lizotte c. LMB automobile inc. (2025 QCTAT 151), le Tribunal administratif du travail a reconnu qu’un conseiller aux ventes d’un concessionnaire automobile avait été victime de harcèlement psychologique, incluant des propos et gestes à caractère sexuel, d’un congédiement déguisé et d’une lésion professionnelle. L’employeur a été jugé en défaut sur plusieurs plans, notamment son obligation de prévenir le harcèlement.
Comportements inappropriés d’un supérieur
Le salarié avait dénoncé des propos répétitifs et déplacés de la part de son supérieur, notamment l’usage de surnoms tels que « mon beau », des allusions explicites à son apparence, et des commentaires liés à un film pornographique auquel le supérieur avait participé. Le Tribunal a retenu que ces propos, même prononcés sous forme de plaisanterie, ont dépassé les limites du comportement acceptable en milieu de travail, surtout lorsqu’ils sont devenus personnalisés et non désirés.
Un épisode d’attouchement physique, survenu alors que le salarié utilisait un photocopieur, a également été prouvé. Ce comportement a été jugé inacceptable et représentatif de harcèlement sexuel en milieu de travail.
Propos dénigrants et gestion abusive
En plus des propos à connotation sexuelle, le Tribunal a constaté que les nouveaux gestionnaires avaient imposé au salarié un traitement injustifié. Il a notamment été blâmé pour des pratiques qui avaient pourtant été approuvées par l’ancienne direction, a vu sa commission réduite et s’est fait imposer des reproches en lien avec des décisions passées. Le ton utilisé par les supérieurs était parfois menaçant ou humiliant, notamment lorsqu’il a été comparé à des criminels en lien avec une pratique administrative pourtant courante dans le secteur automobile.
Le salarié a également été convoqué à plusieurs reprises pour des rencontres disciplinaires injustifiées, et a été isolé dans ses fonctions. Ces comportements ont été qualifiés de gestion
abusive, exercée de manière déraisonnable.
Contexte de harcèlement reconnu
Le Tribunal a conclu que l’ensemble de ces gestes, propos et décisions constituaient une conduite vexatoire au sens de la Loi sur les normes du travail. Ces actes ont porté atteinte à la dignité et à l’intégrité psychologique du salarié, et ont rendu son environnement de travail néfaste. L’employeur n’a pas respecté son obligation de prévenir et de faire cesser le harcèlement, bien qu’il ait été informé des comportements problématiques.
Une démission forcée assimilée à un congédiement
Même si le salarié a quitté volontairement, le Tribunal a statué qu’il s’agissait d’un congédiement déguisé. Le comportement des gestionnaires avait rendu la situation tellement intolérable qu’il n’avait d’autre choix que de partir. Ce type de démission, provoquée par l’employeur, est reconnu comme une rupture de lien d’emploi injustifiée en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail.
Une lésion psychologique reconnue
La preuve médicale a établi que le salarié souffrait d’un trouble d’adaptation avec humeur dépressive, directement causé par les événements vécus au travail. Ce diagnostic a été reconnu comme une lésion professionnelle, ce qui donne droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le Tribunal a jugé que les événements en cause étaient suffisamment graves et répétitifs pour constituer un événement imprévu et soudain, tel que requis par la loi.
Pas de retour possible au travail
Même si le congédiement a été annulé, le Tribunal a refusé d’ordonner la réintégration du salarié. Les relations de travail étaient devenues trop conflictuelles et la confiance, irrémédiablement rompue. De plus, l’état de santé du salarié rendait un retour en poste impossible, selon les rapports médicaux.
Conclusion
Cette décision illustre que le harcèlement sexuel et psychologique, lorsqu’il provient d’un supérieur hiérarchique, peut entraîner de lourdes conséquences pour l’employeur. Le Tribunal rappelle que la gestion ne peut être exercée de manière abusive, et que l’employeur a un devoir actif de prévention et d’intervention. Il en va de la protection de la santé mentale et de la dignité des travailleurs.