Le Tribunal administratif du travail (TAT) a récemment rendu une décision importante dans le cadre d’un conflit en milieu de travail. Une employée, congédiée peu après avoir dénoncé un comportement qu’elle percevait comme du harcèlement psychologique, a vu sa plainte pour représailles être acceptée. Cette affaire, Castro Morante c. Sculpteur Flamand inc. (2024 QCTAT 2820), illustre bien les droits des travailleurs et les responsabilités des employeurs en vertu de la Loi sur les normes du travail (LNT).
Les faits en bref
L’employée travaillait depuis plusieurs années dans une petite entreprise de sculptures en bois. Après son retour d’un congé de maternité en 2022, la relation avec un collègue (le frère du propriétaire) s’est détériorée. Elle a dénoncé son comportement comme étant du harcèlement psychologique, affirmant avoir été insultée et ignorée. Quelques jours plus tard, elle a été congédiée, officiellement pour des absences non autorisées et des retards.
L’employée a porté plainte pour trois motifs :
Harcèlement psychologique.
Congédiement sans cause juste et suffisante.
Représailles pour avoir exercé un droit.
Ce que le Tribunal a décidé
Pas de harcèlement psychologique
Le Tribunal a reconnu que l’employée avait vécu des tensions au travail, mais il a conclu que les comportements reprochés à son collègue (par exemple des remarques sarcastiques et une dispute) ne répondaient pas aux critères de harcèlement psychologique. Ils étaient isolés, non répétitifs, et relevaient davantage de conflits interpersonnels.
Pas de congédiement injustifié
Pour contester un congédiement selon l’article 124 de la LNT, un salarié doit avoir cumulé au moins deux ans de service continu. Or, l’employée avait quitté pour un voyage de six semaines au Pérou sans l’autorisation claire de son employeur, ce qui a été considéré comme une démission implicite. Cela a brisé son lien d’emploi, annulant son ancienneté.
Des représailles inacceptables
Le Tribunal a conclu que l’employée avait été congédiée, en partie, pour avoir exercé son droit de dénoncer un comportement inapproprié. La Loi sur les normes du travail protège les salariés contre de telles représailles. Puisque son congédiement est survenu peu après sa dénonciation, une présomption s’est appliquée. L’employeur n’a pas réussi à démontrer que la décision était totalement justifiée par d’autres raisons.
Conséquences pour l’employeur
Le Tribunal a ordonné :
La réintégration de l’employée dans son poste, avec tous les avantages liés.
Le versement d’une indemnité couvrant les salaires perdus depuis son congédiement.
Un rappel à l’obligation pour les employeurs de créer un environnement de travail exempt de harcèlement psychologique, même dans les petites entreprises.
Pourquoi cette décision est importante
Cette affaire montre que :
Les droits des travailleurs sont protégés. Même si une plainte pour harcèlement n’est pas retenue, les salariés ont le droit de dénoncer des situations qu’ils perçoivent comme inacceptables, sans crainte de représailles.
Les employeurs doivent bien documenter leurs décisions. Si un salarié est congédié, les motifs doivent être clairs, solides et indépendants de tout droit exercé par le travailleur.
Les tensions au travail ne sont pas du harcèlement. Les conflits ou désaccords, même désagréables, ne constituent pas toujours du harcèlement selon la loi.
Leçons pour tous
Pour les employés : vous avez le droit de vous exprimer sur des comportements problématiques au travail. Si vous croyez que votre congédiement est lié à cette démarche, la loi peut vous protéger.
Pour les employeurs : il est essentiel de gérer rapidement les conflits, de respecter les droits des employés, et d’éviter toute impression de représailles. La mise en place d’une politique claire sur le harcèlement peut prévenir bien des problèmes.
Cette décision rappelle que la justice en milieu de travail repose sur un équilibre entre la protection des droits des employés et les responsabilités des employeurs.