Condition préexistante aggravée par la COVID-19 : le TAT tranche en faveur de la travailleuse.
- Laurie Croteau
- 25 juin
- 2 min de lecture

*Décision marquante du Tribunal administratif du travail sur la relation entre une infection à la COVID-19 et l’aggravation d’une condition lombaire dégénérative.
Dans une décision rendue le 27 février 2025 (Lespérance et Centre d'hébergement Champlain, 2025 QCTAT 883), le Tribunal administratif du travail (TAT), division santé et sécurité du travail, a reconnu qu’une condition personnelle dégénérative du rachis lombaire, jusque-là asymptomatique, pouvait devenir une lésion professionnelle lorsqu’elle est rendue symptomatique par les conséquences directes d’une lésion reconnue : en l’occurrence, une toux excessive causée par une infection à la COVID-19.
Une situation courante, un dénouement moins fréquent
La travailleuse, préposée aux bénéficiaires, avait contracté la COVID-19 le 26 février 2022, infection que la CNESST avait reconnue comme une lésion professionnelle. Quelques jours plus tard, elle développe une toux violente et persistante, entraînant douleurs lombaires aiguës, engourdissements et incapacité fonctionnelle.
Ce n’est qu’après une tomodensitométrie réalisée le 6 mars 2022 que des hernies discales, de l’arthrose et une sténose foraminale ont été mises en évidence. Ces conditions, bien que préexistantes, étaient auparavant silencieuses.
Le cœur du litige : le lien de causalité
Refusant initialement la réclamation de la travailleuse pour rechute ou aggravation, la CNESST considérait que sa condition lombaire résultait uniquement de causes non professionnelles.
Or, le TAT a pris une autre orientation. En l’absence de traumatisme lombaire, le Tribunal a jugé que l’apparition soudaine de la douleur – quelques jours après le début de la toux – créait un lien temporel et médicalement plausible entre l’infection (lésion professionnelle) et l’aggravation symptomatique de la condition lombaire.
S’appuyant sur la théorie du crâne fragile, la juge administrative Sonia Sylvestre a rappelé que l’employeur (et la CNESST) doit « prendre la travailleuse telle qu’elle est », même si elle présente une condition de santé fragile préexistante. Une poussée de toux suffisamment intense peut reproduire la manœuvre de Valsalva, reconnue en médecine comme pouvant déclencher ou exacerber une hernie discale.
Ce qu’il faut retenir
Une lésion professionnelle n’a pas à être la cause directe d’une nouvelle pathologie : elle peut aussi rendre symptomatique une condition préexistante.
Une infection à la COVID-19, accompagnée d’une toux violente, peut donc être considérée comme un facteur déclencheur crédible d’une décompensation lombaire.
La manœuvre de Valsalva, évoquée par le Tribunal, constitue un appui scientifique pour établir un lien causal entre la toux et la douleur lombaire.
En l'absence de consolidation de la lésion initiale au moment de la manifestation lombaire, le TAT a préféré analyser l’affaire sous l’angle du lien de causalité plutôt que celui de la rechute ou récidive.
Une jurisprudence à suivre de près
Cette décision illustre la complexité de l’analyse en santé et sécurité du travail lorsque des éléments médicaux personnels et professionnels s’entremêlent. Elle renforce l’importance de documenter de manière rigoureuse les symptômes post-lésion, surtout lorsqu’ils sont atypiques ou évoluent rapidement.
Comme toujours, les parties concernées gagneront à consulter un spécialiste en relations industrielles ou en droit du travail pour évaluer adéquatement la portée de décisions semblables sur leur pratique ou leurs obligations.